Poète et résistant, Missak Manouchian au Panthéon

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“Aux grands hommes, la patrie reconnaissante”. A Paris, le 21 février, Missak Manouchian et Mélinée, sa compagne, sont entrés au Panthéon, événement qui honore l’esprit de liberté et le courage de la résistance contre l’occupant nazi..

Annoncée par le président de la République, Emmanuel Macron, cette célébration a eu lieu 80 ans après l’exécution, le 21 février 1944, au fort du Mont-Valérien, de vingt-et-un combattants du groupe Manouchian. Deux autres mourront plus tard. Traqués par la police française de la collaboration, arrêtés en novembre 1943, et incarcérés à la prison de Fresnes, puis condamnés, ces résistants communistes appartenaient aux FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main d’œuvre immigrée): tous étrangers, souvent juifs, hongrois, polonais mais aussi espagnols ou arméniens.

Leur chef, Missak Manouchian, né en Anatolie, orphelin à la suite du génocide de 1915, recueilli au Liban, était arrivé en France en 1925. Poète et ouvrier, farouchement désireux de devenir français, il avait choisi de s’engager dans la résistance, et pour la France. Avec son groupe, de nombreuses attaques furent menées en région parisienne. Mais la traque policière mit fin à leur mission à l’automne 1943.

Portrait de Missak Manouchian et Mélinée, d’après photo, par Jean-Loup Othenin-Girard, 2024.

“Vous n’avez réclamé la gloire, ni les larmes, ni l’orgue, ni la prière aux agonisants”…  Dans le poème de Louis Aragon, écrit en 1955, et chanté par Léo Ferré, sous le titre “L’affiche rouge”, on retrouve les mots de Missak à Mélinée, dans une lettre écrite quelques heures avant de mourir. Et ceci :”bonheur à ceux qui vont survivre, je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand”.

Magnifiquement interprétée par Arthur Teboul, chanteur du groupe Feu! Chatterton, la chanson a marqué l’arrivée devant la place du Panthéon, au terme de plusieurs stations rue Soufflot et la participation de chorales. C’est à l’acteur et réalisateur Serge Avédikian qu’est revenu l’honneur de citer les noms des 23 résistants. Le sens de la cérémonie au Panthéon était de rendre hommage à tous les étrangers et en particulier à ceux dont les visages sombres étaient rassemblés sur “l’Affiche rouge”, placardée dans tout le pays, afin de justifier la poursuite de ces “terroristes”. Au Panthéon, les noms des 23 – 22 hommes et une femme – sont gravés aux côtés du cercueil de Manouchian.

On se souvient de “Entre ici, Jean Moulin…” prononcé par André Malraux en 1964, en présence du Général de Gaulle, pour honorer la Résistance. Désormais, ces combattants de la liberté à demi oubliés “parce que leurs noms à prononcer sont difficiles” ont pris place parmi ceux que la République veut distinguer. “Est-ce ainsi que les hommes vivent… “. Ce vers d’un autre poème d’Aragon a ponctué le discours d’Emmanuel Macron, éloge vibrant au courage et à l’engagement de ces soldats de l’ombre qui avaient choisi la France, terre d’espérance.

Michèle Champenois

Parmi les nombreux films et documents récents

voir:
— “Manouchian et ceux de l’Affiche rouge”, documentaire Histoire, signé Hugues Nancy, pour France-Télévision, diffusé le 20 février, et accessible sur le site de France-TV
lire:
— Biographie “Manouchian” de Denis Peschanski, Claire Mouradian et Astrig Atamian, Editions Textuel.

— Poèmes de Missak Manouchian, édition bilingue, collection Points-Poésie, Editions du Seuil.

—“Résistants”, hors-série Le Monde, 100 pages.