In memoriam: Centenaire de Charles Aznavour

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Il se déclarait 100 % français, et 100% arménien. Son nom : Charles Aznavour, auteur, interprète, acteur, poète, humaniste… Toute sa vie il a honoré cette double appartenance.

Né à Paris, rue Monsieur-le-Prince, le 22 mai 1924, de parents rescapés du génocide des arméniens en Turquie et arrivés en France, via la Grèce, quelques mois plus tôt. Une famille d’artistes. Avec sa soeur aînée, Aïda, ils s’étaient juré de vivre au moins jusqu’à cent ans. Aida est toujours là, à 101 ans. Les enfants de Charles entretiennent sa mémoire et continuent ses actions en faveur du peuple arménien à travers la Fondation qui porte son nom.

Charles est mort à 94 ans, le 1er octobre 2018, et ses funérailles ont été célébrées aux Invalides, par le président de la République, Emmanuel Macron. Honneur à Charles Aznavour, gloire de la France, homme de coeur et de courage, poète de l’amour et de la douleur. Acteur dans plus de soixante films dans les années 50 et 1960. Avec plus de 1200 chansons, il a publié 50 albums et 41 ont été édités dans d’autres langues. Il a fait une arrivée triomphale aux Etats-Unis, il a reçu 18 fois la récompense du Disque d’or en France.

“Viens voir les comédiens”, “Emmenez-moi au bout de la terre”, “Je m’voyais déjà…” (en haut de l’affiche), “La Bohème”,  sont des succès planétaires. Mais il y a aussi chez lui la veine sombre, le souvenir des massacres avec “Ils sont tombés…”, en 1975 ou “Les enfants de la guerre”. Et des romances d’amours déçues, comme “Et je t’attends”, où le swing l’emporte sur la nostalgie, ainsi que le fameux “Tu t’laisses aller”, évocation cruelle et intime des rencontres qui tournent mal.

L’ambition artistique et la personnalité intense de cet artiste lui ont assuré une postérité sans égale. Aznavour est aussi un personnage, surmontant sa petite taille (on disait par dérision le Grand Charles) par son charme, la force de son sourire, l’énergie de sa passion. On le retrouve dans plus de soixante films, de “Un taxi pour Tobrouk” à “Tirez sur le pianiste” de François Truffaut. Dans “Edith et Marcel” de Claude Lelouch, il joue le rôle de Cerdan, le boxeur, amant de Piaf, lui qui a été à ses débuts pris en affection par la fameuse chanteuse. La vie et la scène se croisent à tout moment dans cette carrière d’exception.

Mais Charles Aznavour a été aussi un citoyen engagé. Son combat aura été la lutte contre l’oubli, le déni, pour mettre fin à ‘La Haine”, — c’est lui qui l’affirme, à son grand désarroi, — à cette haine que subit encore aujourd’hui le peuple arménien, de la part de certains de ses voisins.

Le séisme de 1988 à l’Ouest de l’Arménie, catastrophe naturelle celle-ci, a été pour Aznavour une prise de conscience:  il a dit “je suis né ce jour-là comme arménien”. Dès lors, l’artiste a consacré une partie de son temps et de sa gloire, pour agir en faveur du redressement de l’Arménie ex-soviétique, et indépendante. Il n’aura pas connu les deux guerres menées en 2020 et en 2023 par l’Azerbaidjan contre les habitants du Karabagh, contraints de quitter leurs terres et leurs maisons après huit mois de blocus. Mais la Fondation Aznavour, menée par son fils Nicolas avec son épouse Kristina, continue cette mission avec ardeur.

A l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, en 2024, il a été rappelé que les parents de Charles, alors rue de Navarin, avaient abrité des juifs pendant l’Occupation et recueilli Mélinée après l’arrestation de Missak, résistant et martyr. Le souvenir de Charles Aznavour a flotté devant le Panthéon. Et pour son centenaire, de nombreuses plaques seront apposées ici ou là, rendant hommage à une personnalité qui a donné un sens au mot “survivant”… Ce serait “vivre deux fois plus”, pour ceux qui ne sont plus.

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Emission pour Radio Fréquence Protestante, diffusée le samedi 18 mai, à 13h, dans l’émission “Des 1000 et des 100”. A retrouver sur le site : www.frequenceprotestante.com

Michèle Champenois