Janik Manissian, un regard sur l’inimaginable

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Depuis le 19 septembre 2023, à 11 heures, une offensive d’une ampleur sans précédent a été lancée sur tout le territoire du Haut-Karabakh. Des tirs de missiles et des frappes aériennes, appuyés par la progression de troupes au sol, ont frappé indistinctement des objectifs civils et militaires, plongeant dans le chaos ce territoire historique peuplé de 120 000 arméniens. Les pertes civiles sont indescriptibles, et les survivants, jusque-là soumis à un blocus inhumain, isolés du monde depuis des mois, privés de tout, se sont retrouvés face à un choix déchirant : la valise ou le cercueil.

Très vite, je me suis retrouvé directement confronté à l’horreur de cette tragédie déchirante, me rendant sur place dans le cadre du déploiement des moyens d’urgence que SPFA mettait à la disposition des réfugiés. Quand j’y repense, les émotions continuent de se bousculer en moi, un mélange indescriptible de tristesse, d’empathie et de colère émerge face à l’injustice du monde.

L’image de milliers de réfugiés, affamés, fatigués, fuyant leur foyer déchiré par la violence, me hante désormais. Tous les jours, sur place, mes émotions débordent, et il est difficile de retenir mes larmes. Le désespoir des réfugiés est palpable. Leurs yeux portent la détresse, la peur, l’épuisement, et en nous regardant, ils nous communiquent leur douleur. Certains ont marché des kilomètres, terrifiés par ce qui se passait autour d’eux, ayant pour seul bagage leur passeport, quelques photos, et les enfants, leur cartable !

Proche de la frontière, Goris, est devenue la première ville d’accueil, un havre de paix fragile. Nous étions aussi présents avec Habet Hakobyan notre directeur sur Erevan, et notre équipe sur place, dirigée par Carmen, héroïque, active 24h/24 ! D’autres équipes d’ONG et des centaines de jeunes volontaires arméniens, (dont les filleuls parrainés par SPFA), se sont aussi mobilisés avec une compassion infinie. Je les ai vu accueillir ces âmes brisées, les entourant parfois même de leurs bras, les guidant avec compassion et des mots de réconfort, vers les véhicules, les bus, en direction de telle ou telle ville arménienne sécurisée, Djermouk, Edjmiadzin, Ardachat, Erevan…Vers un avenir incertain, mais au moins, loin du danger immédiat. Dans chaque geste de soutien, je voyais l’amour et la solidarité persistant même au milieu du chaos.

Pourtant, même au sein de ces actes héroïques, je ressens un sentiment d’impuissance. L’image de Goris, cette première étincelle d’espérance, sa grande place aux tentes rouges d’accueil, restera gravée dans ma mémoire… Le dévouement sans faille de tous m’a profondément marqué, inspiré…

Malgré les efforts louables, le défi du logement reste crucial, la quête d’un toit est une véritable montagne à gravir, d’autant plus qu’Erevan, la capitale de l’Arménie est déjà surchargée en raison de l’afflux de réfugiés russes et ukrainiens cherchant à échapper à d’autres conflits, et peine sous le poids de cette crise humanitaire. Comment affronter cette situation à la limite du supportable ?

Il y a bien quelques lueurs d’espoir, comme ces 8 000 enfants déplacés qui ont déjà pu retrouver le chemin de l’éducation – une place à l’école arménienne – offrant un semblant de normalité dans ces moments difficiles.

Mais, le chemin à parcourir reste long et ardu. Les défis sont nombreux, et chaque jour apporte son lot de nouvelles difficultés. Ensemble, avec votre soutien continu, nous pouvons alléger ne serait-ce qu’un peu leur fardeau. Offrir un espoir tangible, rappeler que même au milieu du désespoir, l’amour, la compassion et la solidarité peuvent triompher. Merci à tous ceux qui ont tendu la main dans l’obscurité.

Malgré les efforts de la communauté locale, et des organisations humanitaires, la situation reste instable, précaire. La communauté internationale, par son inertie et son silence, a manqué une opportunité de mettre fin à ce conflit qui dure depuis plus de 30 ans. Le sud de l’Arménie reste menacé, mettant potentiellement en péril la vie d’autres milliers de personnes innocentes. Nos efforts et notre vigilance restent donc essentiels.

Puissions-nous, en tant que citoyens du monde, nous unir pour aider ce peuple du Caucase à retrouver la paix et la sécurité qu’il mérite depuis si longtemps.