Au Karabakh, je suis restée sans voix…

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J’ai rejoint le groupe des visiteurs français de SPFA le jeudi 25 avril. Nous sommes partis vers le Zanguezur, région la plus méridionale de l’Arménie. Tous très admiratifs des beaux paysages, mais aussi des cigognes. Notre première halte était le monastère haut perché de Noravank, connu entre autres pour ses riches tons ocres, les sépultures des Orbelian et la marque de l’architecte Momik, et son fameux escalier aux hautes marches étroites, anti-invasions.

En fin de journée, après une incursion fraîche et venteuse à Karahundj, repas et repos à Goris, célèbre pour ses maisons anciennes, ses cheminées des fées à flanc de montagne. Tous attendaient de monter à Tatev, monastère juché sur un belvédère accessible par le plus long téléphérique du monde, mais aussi maintenant par une route améliorée. Tatev, grâce à ce cadre admirable, au paysage verdoyant et étendu, est un hâvre de paix où nous pouvons prier sur le tombeau du grand saint Grégoire de Tatev, prolifique et éclectique auteur et philosophe. Nous avons rencontré avec une grande joie le Père Mikayel, archimandrite, qui vit au monastère depuis environ 10 ans, prie sans cesse et reçoit les visiteurs avec son sourire et un regard plein de bienveillance.


En route pour le Karabakh, Irène notre guide nous explique l’historique du conflit qui oppose l’Arménie à l’Azerbadjan depuis de nombreuses années. On retiendra les très nombreux jeunes hommes tués dans les combats de 1992 et tout récemment en avril 2016 lors d’une meurtrière guerre de quatre jours. En arrivant à Shushi, capitale historique de la région, Irene nous livre avec émotion comment elle a vécu, adolescente de Yerevan, la reconquête de la ville par l’armée arménienne. Enfin nous sortons des routes tortueuses et des paysages montagneux et verdoyants pour amorcer une descente sur Stepanakert, capitale de la République autoproclamée du Haut Karabakh. La ville est propre, les immeubles de l’ère soviétique souvent rénovés, mais certains portent la trace visible de balles ou d’obus. Nous découvrons la toute nouvelle belle cathédrale récemment bénie par le Catholicos Garegin II. Edifices officiels et administratifs, grandes places désertes, l’hôtel aux colonnes grecques a un air sudiste des Etats-Unis. Entretemps, Janik Manissian a reçu des mains de Bako Sahakian, président de la République, une décoration attribuée à SPFA pour son action de bienfaisance.
Le samedi, en route pour Gandzasar, l’impressionnant complexe monastique, la belle église où l’on célèbre le Saint Padarag. Est-ce le chant du Khorurd Khorin, ou le veghar du prêtre, le Père Sahag ? Impressionnée, émerveillée par tant de beauté spirituelle, je resterai sans voix pendant deux jours.

Puis nous rejoignons Khatchen, un village francophile où l’action humanitaire de SPFA est couronnée de succès : l’école, les ruches, les moutons… tant de contributions au mieux-être de ce village où notre groupe est accueilli par des danses, des sourires, et un bon repas. Auparavant nous fleurissons le monument aux morts de la seconde guerre mondiale et nous inclinons devant les photos des soldats tombés lors des combats du Karabakh. L’église restaurée, qui a servi d’entrepôt durant l’ère soviétique, nous ravit tous. Irène chante le « Ter Voghormia » de Komitas. Cap sur Stepanakert pour la visite d’un atelier où des ouvrières confectionnent des tapis. Incident technique pour notre bus qui refuse de repartir, nous nous rendons à pied au Centre Culturel Charles Aznavour où nous découvrons par des chants, des poèmes, mais aussi en visitant les lieux, l’action de SPFA sous l’impulsion de Lilith (Nom), de ses collègues, des volontaires de la Joie de Lire.

Nous sommes impressionnés par une bibliothèque francophone et germanophone très riche. Ensuite, un concert très émouvant nous est offert : danses, chants, Irène au piano… nous ressentons dans le discours du directeur, dans les performances des enfants et adolescents, des jeunes gens, énormément d’énergie et d’émotion. Personnellement, je n’oublierai pas de sitôt la poignée de main bienveillante du directeur du Centre, très ému, à qui, puisque j’étais aphone et très peu arménisante, je n’ai pu dire que quelques mots de gratitude.
Le dimanche, nous retrouvons notre bus prêt à démarrer ! Premier arrêt-photo au pied de Tatik Papik, les emblématiques statues de Grand-mère et Grand-père tellement enracinés dans la terre du Karabakh qu’ils n’ont justement pas de pieds. Le temps est magnifique et nous ressentons l’émotion du nom de cette imposante sculpture : Menk enk mer sarere ! Nous sommes nos montagnes ! Emotion encore quand les jeunes filles d’Artsakh qui nous ont accompagnées lors de notre bref séjour dans la république montagneuse doivent nous quitter. Larmes, adieux, échanges de mails ou de contacts Facebook : Lilith revit ce qu’elle a ressenti il y a des années, lors des séparations avec les groupes de SPFA.


La dernière visite sera pour Dadivank, ensemble monastique magnifiquement restauré, perché à environ 2000 m d’altitude (vérifier). Une rencontre avec le célèbre Père Hovhannes est organisée : prière, bénédiction du groupe, quelques explications sur l’état des lieux avant les restaurations. Nous déjeunons de légumes frais, de brochettes succulentes et goûtons le miel à la saveur incomparable.

Nous empruntons pour le retour en Arménie la route nord, plus récente, mais tout aussi tortueuse. Nous n’avons pas assez d’yeux pour admirer la richesse et la variété des paysages : tantôt la roche évoque le Vercors, tantôt les arrondis verdoyants du Cantal… mais toujours ces montagnes nous fascinent. Quelques impressionnants canyons, un paysage minéral exceptionnel, et bientôt nous repassons la frontière et retrouvons les hauteurs du Lac Sevan, une véritable mer toute bleue perchée à 2000 m d’altitude.


Nous découvrons Dilijan by night, arrivée par un tunnel et une route tortueuse. Le matin, découverte d’un bijou hors du temps, le monastère de Haghartsin, restauré grâce à la générosité d’un sheikh. Au Lac Sevan, nous déjeunons de poisson grillé avant de visiter les églises qui surplombent le Lac, aujourd’hui gris mais toujours chatoyant, et de repartir à Yerevan.